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Quelle douleur peut-on avoir quand on est assis trop longtemps ?
Rester assis de longues heures, au bureau ou chez soi, n’est pas sans conséquence. Études cliniques et données récentes montrent que lombalgies, cervicalgies, douleurs aux épaules, hanches ou genoux sont directement liées à la sédentarité. Cet article fait le point sur les principaux maux physiques associés à une position assise prolongée.
Sommaire
De nos jours, de nombreuses personnes passent la majeure partie de leur journée en position assise, que ce soit au travail (bureau, télétravail) ou durant les loisirs. Cette sédentarité prolongée a des conséquences bien connues sur la santé métabolique (obésité, maladies cardiovasculaires), mais qu’en est-il des douleurs physiques ? Rester assis trop longtemps peut provoquer divers maux corporels, en particulier des troubles musculo-squelettiques. Les douleurs lombaires (bas du dos) et les douleurs cervicales (nuque et épaules) figurent parmi les plus fréquentes. En effet, environ 80 % de la population connaîtra au moins un épisode de lombalgie au cours de sa vie, et jusqu’à 70 % des gens souffriront de douleurs cervicales à un moment donné.
La question se pose : quelles douleurs peut-on développer à force de rester assis trop longtemps ? Nous nous appuierons sur les études scientifiques récentes (essais cliniques, études épidémiologiques et méta-analyses) pour éclairer les principaux types de douleurs physiques liées à la station assise prolongée, ainsi que les mécanismes en cause.
NB : Nous aborderons ici les douleurs physiques (musculaires et articulaires) et non les effets systémiques de la sédentarité.
Lombalgies : le mal de dos dû à la position assise prolongée
Les lombalgies, c’est-à-dire les douleurs localisées dans le bas du dos, sont souvent citées parmi les premières conséquences d’une position assise prolongée. De nombreuses études se sont penchées sur le lien entre temps passé assis et mal de dos lombaire. Les résultats indiquent qu’une forte sédentarité augmente modérément le risque de souffrir de lombalgie. Par exemple, une méta-analyse publiée en 2021, compilant 49 études, conclut qu’un mode de vie très sédentaire est associé à un risque accru de lombalgie (Odds Ratio ~1,24). En particulier, rester assis pendant de longues durées chaque jour augmente de façon significative la probabilité de lombalgie (OR ~1,42 comparant les personnes restant assises très longtemps à celles assises moins longtemps). Cette même analyse note que le temps prolongé en position assise au travail est un facteur de risque notable de lombalgie chez l’adulte.
D’autres recherches antérieures allaient dans le même sens, identifiant le fait de rester presque toute la journée assis au travail (sans pauses) comme associé à davantage de maux de dos. Une vaste étude transversale menée en Suède sur plus de 44 000 employés a ainsi trouvé que les personnes sédentaires presque tout le temps au travail, sans pauses actives, déclaraient significativement plus de douleurs au dos (et à la nuque) que celles qui interrompaient régulièrement leur position assise. En résumé, bien qu’il puisse exister des exceptions, la majorité des données épidémiologiques récentes suggèrent un lien entre station assise prolongée et lombalgie.
Pourquoi rester assis trop longtemps fait-il mal au bas du dos ?
D’un point de vue biomécanique, la position assise exerce une pression importante sur la colonne lombaire. Le fait de s’asseoir entraîne une charge accrue sur les vertèbres et les disques intervertébraux du bas du dos – davantage encore si l’on adopte une posture affaissée. Des ressources en ergonomie indiquent que demeurer assis longtemps impose un stress considérable sur les muscles du dos et les disques de la colonne. Une posture voûtée, ou encore "avachie" amplifie ce phénomène : elle étire excessivement les ligaments de la colonne et comprime les disques intervertébraux, ce qui peut déclencher ou aggraver des douleurs lombaires.
Sur le long terme, une mauvaise posture assise et un poste de travail mal adapté peuvent endommager les structures vertébrales et favoriser des épisodes récurrents de mal de dos.
Par ailleurs, la sédentarité prolongée s’accompagne souvent d’un affaiblissement de certains muscles de soutien. En position assise, les muscles abdominaux et fessiers travaillent peu, tandis que les fléchisseurs de hanche restent raccourcis. Une étude clinique a mis en évidence qu’entre deux groupes de personnes similaires, celles qui restaient assises plus de 7 heures par jour (et peu actives physiquement) présentaient une réduction significative de l’extension passive de la hanche par rapport à des personnes plus actives et moins sédentaires – un écart d’environ 6 degrés d’extension de hanche en moins.
Ce résultat suggère que la position assise prolongée entraîne un raidssement des fléchisseurs de hanche, signe d’une adaptation musculaire. Or, des fléchisseurs de hanche trop tendus tirent le bassin vers l’avant (hyperlordose) et peuvent ainsi creuser le bas du dos, augmentant les contraintes sur la colonne lombaire. Ce mécanisme illustre comment l’immobilité prolongée peut, indirectement, contribuer aux lombalgies.
Enfin, il convient de noter que rester assis longtemps peut également aggraver certaines pathologies lombaires sous-jacentes. Par exemple, chez les personnes présentant une hernie discale ou des troubles dégénératifs disquaux, la station assise prolongée tend à accentuer la pression intradiscale, ce qui peut déclencher une sciatique (douleur irradiant dans la jambe via le nerf sciatique). Des chercheurs finlandais ont observé que la pression à l’intérieur des disques lombaires est plus élevée en position assise qu’en station debout, ce qui pourrait contribuer aux symptômes de sciatique chez les travailleurs sédentaires.
Cependant, isolément, la position assise n’est pas toujours suffisante pour provoquer une sciatique : l’étude en question n’a pas trouvé de lien statistiquement significatif entre la durée passée assis et les sciatiques nécessitant une hospitalisation, sauf lorsque d’autres facteurs de risque (comme le port de charges lourdes) étaient également présents.
En d’autres termes, s’asseoir trop longtemps n’est pas anodin pour le bas du dos, surtout lorsqu’une mauvaise posture et un manque de pauses viennent amplifier les contraintes ; cela peut favoriser l’apparition de lombalgies ou exacerber des problèmes de dos latents.
Cervicalgies : douleurs du cou et des épaules liées à la sédentarité
Le cou et la région des épaules font également partie des grandes victimes de la position assise prolongée. Travailler de longues heures devant un écran d’ordinateur ou rester penché sur un téléphone sollicite fortement les vertèbres cervicales et les muscles cervico-scapulaires (nuque, trapèzes, etc.). Les études scientifiques confirment un lien important entre sédentarité et douleurs cervicales. Une revue systématique avec méta-analyse très récente (2025) a évalué l’association entre le comportement sédentaire et le risque de cervicalgie. En compilant 25 études (plus de 43 000 participants), elle conclut que passer beaucoup de temps assis chaque jour augmente significativement le risque de souffrir de douleurs au cou (OR global ≈ 1,46, soit +46 % de risque).
De plus, il existe une relation dose-réponse : au-delà de 4 heures par jour en position sédentaire, le risque de cervicalgie s’élève sensiblement (OR ≈ 1,60), et il augmente encore pour celles et ceux qui restent assis plus de 6 heures par jour (presque un risque doublé, OR ≈ 1,88).
Cette méta-analyse a également examiné quels types d’activités assises sont les plus problématiques pour le cou : l’utilisation prolongée du téléphone portable semble la plus corrélée aux douleurs cervicales (OR ≈ 1,82), suivie par le travail sur ordinateur (OR ≈ 1,23). En revanche, le temps passé devant la télévision n’était pas significativement associé aux cervicalgies dans les études analysées – peut-être parce que regarder la télévision implique moins de flexion du cou vers l’avant qu’utiliser un smartphone ou un ordinateur. Ces résultats confirment que la posture tête penchée en avant, typique de l’écran d’ordinateur ou du smartphone, est particulièrement néfaste pour le cou.
D’autres travaux renforcent ce constat. Une vaste revue des études scientifiques de 2021 s’est intéressée aux douleurs musculo-squelettiques et à la sédentarité en milieu professionnel. Elle a notamment trouvé que le fait de rester assis longtemps au travail (données auto-déclarées) était associé à une augmentation notable des douleurs au cou et aux épaules. En regroupant plusieurs études, les chercheurs ont calculé que les employés très sédentaires au travail ont environ 73 % plus de risques de souffrir de douleurs cou/épaules par rapport aux moins sédentaires (OR global 1,73).
En distinguant bien les zones, l’analyse indique un sur-risque d’environ +90 % pour la douleur cervicale isolée (cou) et de +71 % pour la douleur à l’épaule isolée, chez ceux qui restent assis longtemps. Ces chiffres concordent tous vers la même idée : la station assise prolongée, notamment en contexte de travail sur écran, contribue de manière significative aux tensions et douleurs dans la région cervicale.
Quels sont les mécanismes ?
En position assise prolongée, on adopte souvent une posture statique de la tête en projection vers l’avant, ce qui impose une charge importante aux vertèbres cervicales et aux muscles du cou. Le poids de la tête (environ 5 kg) devient beaucoup plus difficile à soutenir quand elle est penchée en avant : les muscles cervicaux se contractent en permanence pour la retenir, pouvant entraîner des contractures musculaires (notamment au niveau des trapèzes et de la nuque) et des douleurs. Les scientifiques ont observé plusieurs changements physiologiques dus à l’excès de sédentarité qui peuvent expliquer les cervicalgies : une augmentation de la pression sur les disques intervertébraux cervicaux, une diminution de la circulation sanguine dans les muscles du cou, un déséquilibre dans la force des muscles cervicaux (certains s’affaiblissent tandis que d’autres se crispent), et une réduction de la mobilité des articulations du cou. L’ensemble de ces facteurs, provoqués par l’immobilité prolongée du cou, favorise l’apparition de douleurs cervicales.
En outre, un poste de travail mal configuré peut aggraver la situation. Un écran trop bas, une chaise non ergonomique ou l’absence de pauses régulières amènent la personne à adopter une position contraignante pour la nuque et les épaules sur de longues durées. À terme, cela peut se traduire par un syndrome dit de "cou technologique" (ou text neck en anglais), caractérisé par des douleurs chroniques à la nuque, aux épaules et au haut du dos, associées à la posture de travail sur écran. Il n’est donc pas surprenant que corriger ces habitudes puisse améliorer les symptômes : des interventions visant à réduire le temps assis et à varier les postures au travail ont montré une diminution des douleurs. Par exemple, le projet Take-a-Stand mené dans une entreprise a équipé des employés de bureaux de postes de travail permettant de se lever. Résultat : les participants qui ont réduit leur temps assis d’environ 66 minutes par jour ont rapporté une diminution de 54 % de leurs douleurs du haut du dos et de la nuque après quelques semaines. De même, l’étude suédoise citée plus haut suggère que le simple fait de prendre des pauses actives régulières (se lever, s’étirer) atténue le risque de ressentir des douleurs de dos ou de cou liées au travail. Ces observations soulignent l’importance des pauses et de l’ergonomie pour prévenir ou soulager les cervicalgies induites par la sédentarité.
Douleurs du haut du dos, des épaules et raideurs articulaires
Outre le bas du dos et la nuque, la position assise prolongée peut également affecter d’autres régions du corps. Parmi celles-ci, le haut du dos (région dorsale ou thoracique) et les épaules sont souvent le siège de tensions lorsqu’on reste longtemps assis, surtout en posture voûtée. Bien que les douleurs thoraciques (dorsalgies) soient moins médiatisées que les lombalgies, elles existent. En général, elles se manifestent par des douleurs ou raideurs entre les omoplates, ou une sensation de dos "bloqué" au niveau thoracique après de longues heures assises. La recherche a montré que l’excès de sédentarité s’accompagne d’une perte de mobilité de la colonne thoracique, ce qui peut favoriser l’apparition de ces douleurs. Une étude réalisée sur de jeunes adultes a comparé la mobilité de leur colonne thoracique en fonction de leur mode de vie. Les résultats indiquent que ceux qui restent assis plus de 7 heures par jour et sont peu actifs physiquement ont une mobilité significativement réduite de la colonne thoracique par rapport à des individus plus actifs (et moins assis). En moyenne, les sédentaires présentaient moins d’amplitude de rotation du dos, signe d’une certaine rigidité articulaire liée au manque de mouvement. Une colonne thoracique moins mobile peut se traduire par des tensions musculaires dans le haut du dos et des difficultés à maintenir une bonne posture, d’où des douleurs possibles entre le cou et les épaules.
La posture assise prolongée peut également engendrer des douleurs ou engourdissements aux épaules et aux bras. Par exemple, si l’on travaille sans appui de bras ou avec les épaules haussées, les muscles des épaules (deltoïdes, trapèzes) restent contractés trop longtemps, pouvant provoquer des douleurs musculaires. D’autre part, une mauvaise posture de la colonne thoracique (dos rond) influence le positionnement des épaules : des épaules enroulées vers l’avant peuvent entraîner des douleurs scapulaires (omoplates) et réduire la mobilité des épaules. Des études suggèrent d’ailleurs que réduire le temps passé assis contribue à diminuer les douleurs combinées cou/épaules. Globalement, une posture assise statique affecte l’ensemble de la colonne vertébrale, du cou jusqu’au bas du dos, en passant par la région dorsale, et peut provoquer des douleurs sur tout ce segment selon les points de tension de chacun.
Enfin, la station assise prolongée peut aussi toucher les articulations périphériques, notamment les hanches et les genoux. Rester assis signifie garder les hanches et les genoux fléchis à 90° pendant de longues durées, ce qui peut provoquer de la raideur articulaire et musculaire. Au niveau des hanches, outre le raccourcissement des fléchisseurs (évoqué plus haut), cette posture prolongée peut engendrer des douleurs chez certaines personnes - par exemple celles déjà atteintes d’arthrose de hanche peuvent ressentir davantage de gêne en restant immobiles. Les genoux, quant à eux, peuvent souffrir d’une flexion prolongée. De fait, des chercheurs ont mis en évidence un lien entre comportements sédentaires et douleurs chroniques aux genoux chez les personnes âgées.
Rester assis trop longtemps peut causer une raideur de l’articulation du genou, une faiblesse des muscles des jambes et une réduction de la flexibilité, autant de facteurs contribuant aux douleurs au genou..
Chez les personnes souffrant du syndrome fémoro-patellaire (une cause fréquente de douleurs à l’avant du genou, en particulier chez les jeunes actifs), la position assise prolongée est souvent un facteur déclenchant de la douleur : plus de la moitié des patients atteints de ce syndrome rapportent des douleurs vives aux genoux après être restés assis longtemps. Ce phénomène est parfois appelé le "signe du cinéma" car le fait de rester assis immobile dans un siège de cinéma pendant 2 heures peut réveiller une douleur antérieure de genou. Ainsi, bien que les lombalgies et cervicalgies soient au premier plan, les genoux et les hanches ne sont pas épargnés par l’inactivité prolongée. Des articulations maintenues trop longtemps dans une même position finissent par se raidir, et si un terrain pathologique existe (tendinite, arthrose…), le manque de mouvement peut exacerber les douleurs.
Prévention et conclusion
Les données scientifiques sont claires : une position assise prolongée et ininterrompue peut engendrer une variété de douleurs musculo-squelettiques. Le mal de dos, qu’il soit lombaire ou cervical, est le plus répandu, mais d’autres régions comme le haut du dos, les épaules, les hanches ou les genoux peuvent également souffrir d’une sédentarité excessive. Bien sûr, tout le monde ne développera pas systématiquement ces maux en restant assis longtemps comme des facteurs individuels (âge, prédispositions, posture spontanée, etc.) entrent en jeu, mais de nombreuses études cliniques montrent une tendance générale : plus on reste assis, plus le risque de douleurs augmente au fil du temps.
La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible d’agir en prévention. Varier régulièrement de position est essentiel : se lever au moins quelques minutes toutes les demi-heures pour marcher ou s’étirer peut réduire significativement les tensions accumulées.
Plusieurs travaux suggèrent que les personnes qui prennent fréquemment des pauses actives au travail souffrent moins souvent du dos ou de la nuque que celles qui restent assises en continu.
L’aménagement ergonomique du poste de travail joue également un rôle : une chaise avec soutien lombaire, un écran à la bonne hauteur (yeux au niveau du tiers supérieur de l’écran), des accoudoirs pour reposer les bras, et un clavier/souris bien positionnés, sont autant de mesures pour minimiser les contraintes sur la colonne et les articulations pendant le travail assis.
Adopter une posture correcte – dos droit mais détendu, pieds à plat au sol, épaules relâchées – aide à répartir les charges de manière équilibrée et à éviter les points de tension douloureux. Enfin, maintenir une activité physique régulière en dehors des périodes assises est crucial. Un bon tonus musculaire (abdominaux, muscles du dos, cuisses, etc.) protège la colonne vertébrale et les articulations en améliorant leur soutien.
En conclusion, rester assis trop longtemps peut causer divers maux : lombalgies, cervicalgies, dorsalgies, raideurs des hanches ou des genoux… Les études scientifiques les plus récentes confirment ces effets néfastes de la sédentarité sur l’appareil locomoteur, tout en soulignant que de simples changements d’habitudes peuvent les prévenir. Alterner positions assise et debout, faire des pauses mouvement, et soigner son ergonomie au quotidien sont autant de stratégies recommandées pour éviter que la position assise prolongée ne se transforme en douleur chronique. En prenant soin de bouger régulièrement et d’écouter les signaux d’alarme de son corps, chacun peut réduire le risque de ces douleurs liées à la sédentarité pour un dos et des articulations en meilleure santé sur le long terme.
Sources :